René Goscinny

Je me risque aussi à proposer le visage de quelqu'un qui me paraît digne de louanges.

C'est un choix paradoxal : tout le monde ne le classerait pas dans la catégorie des grands hommes. Mais j'y tiens, moi - parce que son travail a bercé mon enfance et parce que j'y trouve encore des éléments de sagesse et une gaieté qui me transportent !

Ce personnage, cet auteur, c'est René Goscinny !

Je n'ai pas lu tous les albums qu'il a scénarisés, je n'ai pas lu non plus "Le Petit Nicolas", mais je me délecte de certains Lucky Luke et surtout bien entendu des albums d'Astérix et Obélix où il a mis sa patte inimitable aux côtés d'Uderzo.

Son visage est sympathique. C'était un homme, j'en suis sûr, d'une grande générosité. Mais aussi d'une intelligence, d'une sensibilité et d'un humour rares.

L'album qui m'a toujours fait le plus rigoler, c'est Astérix et les Normands. L'humour y est gratuit, et c'est une belle méditation sur le courage.

Je redécouvre avec Pierric La Zizanie, formidable leçon d'anthropologie d'après lui, méditation sur les conflits et leur genèse. La "guerre psychologique" à coups de massue m'amuse aussi beaucoup !

J'aime encore Astérix en Corse, pour la beauté des dessins et la réflexion sur la vengeance ; Les Lauriers de César, où Bonemine, Abraracourcix et son beau-frère sont hilarants et où les méfaits de l'alcoolisme sont discrètement dénoncés ; Astérix chez les Helvètes, où la décadence romaine est épinglée et où le clivage entre romains et gaulois est dépassé puisque nos héros et le druide y aident un honnête romain.

Mais l'album qui me parle le plus est bien entendu Obélix et Compagnie ! Comme ex-entrepreneur, je m'identifie facilement à Obélix - je n'ai tout de même pas la même corpulence - qui se met à parler le langage des hommes d'affaires pour s'efforcer de devenir, manipulé par un romain, "l'homme le plus important du village", car "le plus riche". A la fin, Obélix retourne chasser les sangliers avec Astérix, et c'est ce que je souhaiterais faire assez souvent devant l'avalanche des travaux que j'ai à accomplir et des problèmes à résoudre. Ce qui me retient, c'est que j'ai la chance d'avoir un travail qui est aussi un plaisir, et c'est un luxe !

Astérix et Obélix, c'est facile à lire, divertissant, et riche d'enseignements sur l'être humain - un peu, toutes proportions gardées, comme Molière. Pierric l'associe lui à Shakespeare - peut-être qu'il exagère... ;-) Mais peut-être pas : pourquoi, pour penser l'être humain, faudrait-il toujours et invariablement être ennuyeux ?

Merci à Goscinny, abordable de 7 à 77 ans - et même avant, et même après - qui apporte quelque chose de neuf à tout âge.

Goscinny est mort trop tôt, d'une crise cardiaque... lors d'un test à l'effort, chez son cardiologue ! Pour un homme au grand coeur, c'est une triste fin, mais pour un humoriste, c'est comme un dernier gag ! Sa fille aurait souhaité, je crois, qu'il soit moins génial mais aussi moins surmené, en meilleure santé. De nombreuses générations en tout cas lui seront redevables de son tour d'esprit généreux, sympathique !

Nous devrions tous apprendre à renoncer joyeusement avec lui à devenir "l'homme le plus important du village" ou bien comme Iznogoud "calife à la place du calife" ! ;-)

Goscinny était - j'en reste convaincu - un vrai grand homme !

Marco